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Selon la Harvard University Graduate School of Design, base d’une étude de JLL publiée le 17 décembre 2018 : la mixité en immobilier c’est lorsqu’un immeuble propose au moins trois des quatre fonctions suivantes : habitat (logement, hôtel, résidence d’étudiants ou de séniors…), espace de travail (bureau, coworking…) ; service (commerce, restauration…) ; offre de loisirs (salle de sport, cinéma…). Aucune de ces fonctions ne devant représenter plus de 60 % de la surface totale de l’immeuble. Définition un peu réductrice à mon goût.

Dans cette étude, JLL relève que sur les 88 projets lauréats des consultations dans le cadre du Grand Paris, 50 % répondent aux critères présentés. Loin l’époque où nous ne souhaitions pas entendre parler de mixité car nous pensions (non sans raison) que les résidents ne voudraient pas partager l’entrée de l’immeuble avec les locataires des bureaux, que le loisir n’avait sa place que dans des immeubles attitrés, sans parler des difficultés législatives et règlementaires.

Pourtant, la rareté des fonciers de qualité a poussé de plus en plus de professionnels à s’intéresser à ce sujet. Heureusement d’ailleurs, car une société où des gens de différents horizons se croisent et échangent me convient davantage qu’une société individualiste où tout passe par nos smartphones et par les réseaux sociaux.

L’humain d’abord : de la mixité subie à la mixité choisie

Dans les années 70-80, notre manière de penser la ville a radicalement changée. A cette époque, les usages et les fonctions se séparaient entre immeubles de bureaux d’un côté, banlieues dortoirs aux allures de ghettos de l’autre, ou encore boîte à vendre aux marges des villes.

L’exemple phare de la mixité d’usages qui perdure aujourd’hui est : un immeuble de logements avec des commerces en pied d’immeuble. De peur de perdre un étage de logements, les commerces ne bénéficiaient pas d’une hauteur sous plafond suffisante pour accueillir les livraisons, ni d’espaces assez profonds pour le stockage. La mixité n’y est pas choisie mais subie et a encouragé la vacance commerciale dont toutes les villes souffrent.

A contrario, nombre de projets contemporains sortent de terre et profitent d’une écriture architecturale lisible : un socle d’immeuble haut avec des espaces larges qui changent des pieds d’immeuble corsetés ; des étages supérieurs avec du coworking et du bureau ; au-dessus encore des logements voire des résidences étudiantes ; enfin un rooftop en surplomb avec de l’agriculture urbaine valorisant cette 5e façade souvent délaissée.

Hypra-urbanisation des villes VS désertification des périphéries

La place du programme dans les projets est dorénavant prépondérante : les questions environnementales, sociétales, urbaines sont de plus en plus maîtrisées par les acteurs de l’immobilier. C’est donc en pleine conscience que nous devons encourager la mixité de peur des réminiscences d’un passé-passéiste qui accoucherait de villes-frontières, de ghettos d’usages (ce qui est d’ailleurs déjà le cas).

Par ailleurs, une obligation de construction subsiste : celle de dépasser les 350 000 logements dans l’hexagone par an ; ces constructions se concentrant en majorité dans les agglomérations les plus importantes. La promiscuité urbaine est devenue un constat dont les conséquences ne sont pas à venir mais déjà vécues et subies. Le défi qui est le nôtre est de concilier « l’hypra-urbanisation » des villes et la « désertification » de nos provinces. Faire de la ville un lieu convivial, intégrant la nature avec une mixité de fonctions indispensable, d’un côté ; rendre aux provinces un attrait économique et social en connexion avec les agglomérations, de l’autre.

Les ressorts juridiques : Le volontarisme politique

La loi Élan semble aller dans le bon sens, mais il faut que les collectivités en périphéries soient dotées de réelles subventions pour que cette mixité devienne opérationnelle et favorise l’équilibre du territoire (sans l’effet d’annonce d’une « Action cœur de ville »). Il est impératif que de véritables moyens juridiques existent pour modifier le PLU (Plan local d’urbanisme) afin que la mixité des bâtiments soit la norme et plus seulement des projets réservés aux grandes aires urbaines.

Les décisions politiques influent sur la profession de l’immobilier. Il faut qu’elles permettent aux aménageurs, promoteurs, urbanistes, architectes… de concevoir des lieux de vie « à taille humaine » dans ces mégapoles tout en les connectant avec leurs périphéries.

Prenons garde en revanche à ne pas succomber à la tentation d’une mixité dogmatique et systématique. Les territoires ont leur histoire et chaque ville doit être appréhendée au cas par cas. Chaque immeuble ne doit pas avoir son boulanger/salon de thé, une salle de sport, un cinéma et deux salles de coworking.

Alors au diable la sacrosainte définition de Harvard et additionnons autant la mixité verticale et horizontale, la première qui empile comme des Lego, la seconde qui ordonne les flux pour ne pas faire tourner les bâtiments en circuit fermé. Le but : FAIRE QUARTIER, FAIRE VILLE, FAIRE SOCIÉTÉ !


Article paru sur Business Immo